Il aura fallu trois ans à
Sabine Bucquet-Grenet, qui dirige les éditions de l’Epure, pour concrétiser ce projet. Trois ans durant lesquels elle a écumé les bouquinistes pour se procurer un exemplaire, a pisté les ayants droit des deux auteurs, le chef
Raymond Oliver et l’illustrateur
Mose, et a retrouvé au fin fond de la Bourgogne le graphiste qui l’a conçu et réalisé, Jean Jirou-Najou. Car cet ouvrage loufoque est le fruit de la collaboration de trois hommes – qui, curieusement, ne se sont pas rencontrés. Séquence souvenir avec Jean Jirou-Najou.
L’Epure – Comment avez-vous travaillé avec les deux auteurs, Raymond Oliver et Mose ?
Jean Jirou-Najou – Nous ne nous sommes tout simplement pas vus ! L’éditeur m’a confié une vingtaine de recettes imaginées par Raymond Oliver qui était alors le chef du Grand Véfour, accompagnées d’une vingtaine d’illustrations de Mose. Avec pour seule contrainte de réaliser un livre de 80 pages. Ce qui me laissait une certaine marge de manœuvre, c’est le moins que l’on puisse dire !
Comment avez-vous procédé ?
Jean Jirou-Najou – Il a fallu que j’élabore un certain nombre de solutions graphiques pour remplir ces 80 pages. J’ai donc imaginé trois pages de diète, j’ai produit une double page photo de couverts de cuisine avec des légendes, j’ai également créé le livre d’or avec les dédicaces imaginaires de personnages illustres courant sur quinze pages. J’ai aussi sollicité Mose. Pour la recette du singe aux cacahouètes, par exemple, il avait dessiné un animal de face. Je lui en ai demandé un de dos. Par ailleurs, j’ai beaucoup joué sur la typographie en mélangeant les caractères, les polices, les graisses…
Cette liberté graphique vous a valu quelques coups de téléphone inquiets ?
Jean Jirou-Najou – Oui, quand il a vu ma maquette, le chef typographe était un peu décontenancé. Il m’a téléphoné pour s’assurer que c’était bien ce que je voulais… Le relieur aussi a rencontré des petits soucis, notamment avec la couverture. J’avais dessiné une soupière affublée d’une barbe en poils synthétiques. Un clin d’œil à Oliver, qui était barbu. Le relieur m’a appelé car il n’arrivait pas à reproduire la même forme de barbe. De plus, les poils étaient rabattus. Catastrophique ! Je suis allé lui expliquer la technique que j’avais employée. Il a dû fabriquer un outil de découpe approprié. Et pour que les poils de la barbe soient dressés comme je le voulais, il a employé un aspirateur. Vous imaginez, 3 000 couvertures traitées à l’aspirateur ! J’avais des exigences inhabituelles mais tout le monde a joué le jeu.
Quel a été l’accueil réservé à l’ouvrage ?
Jean Jirou-Najou – Je crois me souvenir que tous les livres n’ont pas été vendus, une partie est allée au pilon. Tandis qu’actuellement les exemplaires en circulation se négocient à prix élevé ! Peu importe, car cette réédition me permet d’améliorer l’ouvrage. A l’époque, j’avais soumis à l’éditeur 80 dédicaces pour le livre d’or. Une quinzaine d’entre elles avaient été sélectionnées, pas les meilleures d’après moi. Pour la réédition, j’ai proposé à Sabine Bucquet-Grenet quinze nouvelles dédicaces. Ce sera la seule différence avec l’édition de 1969. Pour le reste, l’ouvrage sera identique, typo, couleurs, dessins, photos. Poils de barbe compris !
Catherine Minot
A consulter aussi
Biographie de
Jean Jirou-Najou
Plus d'infos sur
Cuisine insolite